Procial défend un modèle mutualiste dans lequel la dimension démocratique occupe une place privilégiée. Vous trouverez ici l'ensemble de nos publications.
Dans une France régie par la loi Le Chapelier (1), loi « terrible », pour reprendre le mot de Jean Jaurès, la naissance de la mutualité exprime un besoin de solidarité, de fraternité et d’égalité. A l’époque où le libéralisme de Thermidor (2) et de Bonaparte triomphe, des hommes et des femmes cherchent collectivement à faire face aux nécessités quotidiennes par la mise en commun du peu d’excédent dont ils disposent. Le Sou du linceul, une des premières sociétés de secours mutuel connues, vise ainsi à ce que les morts ne soient pas jetés sans suaire à la fosse commune (3). « Et nous, pauvres canuts, sans drap on nous enterre ! » chantait-on au XIXe siècle (4). La mutualité est issue de cet engagement civique, rusant avec l’interdiction des coalitions, s’appuyant parfois sur des notables charitables et des philanthropes. Ses pionniers sauront, sous l’influence des idées fédéralistes de Proudhon qui prône l’association d’entités autonomes, opérer les premiers regroupements qui donneront force au mouvement mutualiste. Celui-ci devient vite considérable, avec plus de trois millions d’adhérents dès la fin du XIXe siècle.
C’est dans la conscience du marché qu’ouvre la mutualité que se constituent les premières sociétés capitalistes d’assurances. Napoléon III tente de récupérer le mouvement avec les mutuelles autorisées, auxquelles l’Etat républicain donnera des statuts en 1888. Mais, aussi institutionnalisées qu’elles soient, les groupements de base demeurent des structures de proximité gérées par des citoyens engagés, sur un territoire, dans une entreprise ou un secteur économique. A travers un encadrement officiel, l’Etat sait qu’il ouvre une brèche dans l’unité du mouvement social : en 1902, la première assemblée de la Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) et le congrès unifiant les deux branches de la Confédération générale du travail (CGT), Bourses du travail et fédérations d’industrie, marquent une césure entre mutualité et syndicalisme. Se concentrant sur la revendication, les organisations professionnelles dénoncent alors le « compromis social » que représente à leurs yeux le mutuellisme.
Cette situation perdure jusque dans les dernières années du XXe siècle, malgré le tournant de 1945 : le programme du Conseil national de la résistance (CNR) a en effet débouché sur la création d’un régime de sécurité sociale pensé comme universel et confié aux forces syndicales. Assurant une protection complémentaire, la mutualité maintient pour l’essentiel sa force, notamment avec la loi Morice, qui lui donne de nouvelles prérogatives dans la fonction et les services publics. Elle pâtit toutefois de la distance prise avec les forces vives du monde du travail. En outre, au fur et à mesure que ses éléments croissent ou se regroupent, des notables s’emparent peu à peu du pouvoir. La dimension de mouvement social de la mutualité tend alors à s’estomper.C’est à partir des années 1960 que s’amorce un renouveau. Louis Calisti (1923-2005), président de la Fédération nationale des mutuelles de travailleurs, propose une « mutualité d’action et de gestion ». Le courant qu’il impulse replace la démocratie et l’engagement social au cœur de la démarche. La constitution de la Fédération des mutuelles de France (FMF), par le regroupement des mutuelles exclues de la FNMF, marque le passage du concept de neutralité politique stricte, dont se réclamait le courant majoritaire, à un concept d’« indépendance en mutualité ». On renoue ainsi avec le mouvement que pouvaient représenter les mutuelles ouvrières face à celles qui, « autorisées » et « gestionnaires », s’appuyaient sur les institutions.
La proximité avec les adhérents, la démocratie, l’indépendance constituent la vraie force mutualiste, plus que l’affichage d’effectifs que quiconque serait bien en peine aujourd’hui de mobiliser, comme ce fut le cas en 1980. Cette année-là, la bataille contre le ticket modérateur d’ordre public, qui visait à imposer une limite à la liberté de remboursement des mutuelles, avait réuni sept millions de signatures.Ce sont ces principes fondateurs, trop souvent oubliés, qui peuvent permettre à la mutualité de résister aux pressions croissantes des grands acteurs de l’assurance dans le champ de la santé et de la protection sociale. Les sociétés d’assurances se fondent sur une vision individualiste, mais avant tout financière, à l’opposé des sociétés de personnes, fondées sur la solidarité, que sont les mutuelles. Avec la progression de l’idéologie libérale (lire « Enjeux d’une sécurité sociale universelle »), de l’individualisation des situations au détriment des démarches collectives, avec la volonté de certains de ses dirigeants de figurer dans une compétition aux règles faussées, la mutualité, trop ancrée dans ses certitudes et ses débats internes, se trouve hélas confrontée à des défis qu’elle n’a pas anticipés.
Le débat, ou l’absence de débat, sur la directive « Solvabilité 2 » (ou « Solvency II ») illustre parfaitement la remise en cause des valeurs historiques de la démocratie mutualiste. D’ici au 1er janvier 2013, l’ensemble des organismes d’assurances devront avoir intégré de nouvelles normes. Adoptée au nom de la protection des consommateurs, cette directive a pour ambition de constituer un secteur assurantiel européen compétitif à l’échelle mondiale et fortement capitalisé. Il s’agit à la fois d’exigences de fonds propres, de contrôle, de réforme des modes de gestion et d’un formalisme précis en matière d’information. Cette restructuration pouvait être considérée comme une nécessité technique, une optimisation nécessaire, profitable à tous. Mais, en réalité, il s’agit d’imposer à tout le secteur de l’assurance un modèle standard qui ignore totalement les spécificités et les modes de régulation mutualistes.Avec cette évolution réglementaire, passée inaperçue y compris dans le monde militant, c’est tout le modèle solidaire, social, démocratique qui se trouve chamboulé. Pour commencer, les tarifs mutualistes n’échapperont pas à une augmentation significative — de 10 à 20 %selon les estimations — pour, d’une part, répondre aux exigences de fonds propres, mais aussi, et surtout, pour financer la mise en conformité avec la réglementation. Alors que la connaissance des risques fait partie du quotidien des relations mutualistes, les nouvelles exigences en matière d’actuariat (5), d’autocontrôle, de contrôles externes vont en effet demander des moyens techniques, humains et financiers considérables, hors de portée de bon nombre d’entre elles. Le processus de concentration du mouvement mutualiste auquel on a assisté depuis une dizaine d’années, qui a fait passer le nombre de mutuelles en France de six mille à sept cent cinquante, ne peut que s’amplifier. En effet, ce sont les organisations locales des mutuelles, lorsqu’il en reste, qui pâtiront le plus de cette transformation, tant leur animation, qui nécessite des bénévoles, de l’énergie et des moyens, va paraître secondaire à côté des contraintes techniques de « Solvabilité 2 ».
i cette évolution fait la fortune des cabinets de conseil, elle nécessite des moyens et une énergie qui détournent les mutuelles de leurs missions et de ce qui faisait leur efficacité : les relations humaines, individuelles et collectives, avec les mutualistes et les professionnels de santé. Les premières simulations dont on dispose, à l’issue d’un test grandeur nature réalisé sur tout le secteur de l’assurance, montrent les limites qui vont être imposées aux mutuelles dans leur action au profit de l’économie sociale et solidaire. Tous les investissements réalisés au profit des entreprises de l’économie sociale voient leur valeur dégradée ou disparaissent purement et simplement des fonds propres des mutuelles. Quelle place restera-t-il pour se préoccuper des solidarités concrètes, de l’action sociale, de la maîtrise des dépenses de santé, de la prévention, alors que l’essentiel de l’activité des conseils sera consacré aux informations financières ? Ces efforts sont-ils utiles ? L’histoire et l’adhésion collective ont démontré que la prudence est sans doute la première des vertus mutualistes. On serait bien en peine de citer un groupement qui se soit trouvé en défaut de paiement.
Cette évolution réglementaire touche aussi les capacités de financement de l’économie. Selon Olivier Pastré, professeur d’économie à Paris-VIII, « “Solvabilité 2” est probablement une des réformes dont le pouvoir de destruction d’emplois est le plus élevé depuis la fin de la seconde guerre mondiale (6) ». La mutualité rassemble aujourd’hui trente-huit millions de personnes protégées, et emploie cinquante-cinq mille salariés pour 16 milliards d’euros de cotisations encaissées. L’enjeu est collectif, car, quelle que soit la diversité des facteurs qui expliquent l’augmentation des coûts de la santé, leur maîtrise est inimaginable sans l’implication active de la population. La maîtrise centralisée, conduite par l’assurance-maladie, a échoué, se heurtant de front aux corporatismes professionnels, et laisse se développer une médecine à plusieurs vitesses. Or, comme le rappelle Alain Supiot, « les mutuelles, qui reposent sur des solidarités de proximité, sont les seules institutions susceptibles de tisser de vrais liens conventionnels avec les professionnels de santé. Et l’établissement de tels liens est indispensable si l’on veut développer la prévention, garantir l’égal accès de chaque personne aux soins nécessités par son état de santé et assurer la continuité des soins et la meilleure sécurité sanitaire (7) ».
L’affaire du Mediator a opportunément remis sur le devant de la scène médiatique les rapports opaques entre les laboratoires pharmaceutiques et les professionnels de santé. Le débat sur le système de santé, son organisation, les missions, le statut, les modes d’exercice et de rémunération des professionnels doit, lui aussi, être ouvert et concerner toute la population. Certes, faire vivre la démocratie au sein d’entités de plus en plus importantes — ce que les conditions actuelles économiques tendent à imposer — et de plus en plus abstraites pour l’adhérent n’est pas chose aisée. Il s’agit pourtant d’une exigence. Le manifeste de l’Institut Polanyi France, rédigé par le sociologue Alain Caillé, vise ainsi à « relancer, en partant du monde associatif et mutuelliste, et en mobilisant son expérience et ses ressources analytiques, une dynamique démocratique d’ensemble à la fois réflexive et pratique, dans le respect croisé de la spécificité des exigences théoriques et des contraintes de la gestion associative et mutuelliste (8) ».
Déjà, de nouveaux groupes mutualistes se sont constitués, ou sont en cours de constitution, et une prise de conscience semble se faire jour. Lors des journées mutualistes de la FNMF à Biarritz, à l’automne 2010, le concept de « client », qui s’était imposé dans les années 1990, a été abandonné et la notion d’« adhérent » remise à l’honneur. Mais n’y a-t-il pas là également une nouvelle question politique qui engage toute la société ?
(1) En 1791, la loi Le Chapelier interdit les corporations.
(2) Le 9 thermidor an II, Robespierre est renversé et les projets de « République sociale » abandonnés.
(3) Cf. Jean-Philippe Milesy, Economie sociale et mouvement syndical, Alternatives économiques, coll. « Pratique », Paris, 2009
(4) Aristide Bruant, « Les Canuts », 1894.
(5) Ce terme désigne des techniques mathématiques d’évaluation des risques fondées sur des tables d’expériences.
(6) Olivier Pastré, « Solvency II est une usine à chômeurs », Les Echos, Paris, 25 février 2010.
(7) Alain Supiot, L’Esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Seuil, Paris, 2010
(8) « Vers une responsabilisation de la société civile intellectuelle, associative, coopérative et mutuelliste », Institut Polanyi France, 22 octobre 2008.
L’idée est de créer un lieu d’échange entre les professionnels de l’économie sociale et solidaire, d’échange avec les intellectuels, les hommes politiques et, d’une façon générale, la société civile. Parce que nous avons la conviction que les réponses apportées par l’économie sociale et solidaire, par les formes à but non lucratif, notamment en matière de protection sociale, de justice sociale n’ont pas le niveau de visibilité, la reconnaissance, ni de ce qu’elles font ni des propositions qu’elles peuvent faire. J’allais dire la reconnaissance politique suffisante. Nous sommes dans un moment ou le monde de l’économie sociale et solidaire constitue une véritable perspective d’avenir pour une meilleure société en France. Ce salon, comme lieu indépendant, ouvert aux échanges, sans les contraintes de l’institution, correspond à cette contribution à faire émerger une parole politique de l’économie sociale et solidaire.
C’est aux acteurs institutionnels de faire des propositions. On voit aujourd’hui un engagement citoyen, des motivations nouvelles, sur le durable, la pratique démocratique, la solidarité internationale. Les initiatives foisonnent et, en définitive, se font à côté des grandes institutions.De même, beaucoup d’intellectuels travaillent sur des notions alternatives à l’économie néolibérale. Notre rôle peut être de créer le lien entre les institutions et ces laboratoires
Chaque sujet est un sujet sur lequel on peut proposer une autre stratégie que celles qui sont proposées actuellement. Prenons l’exemple de la dépendance. On est face à une supercherie économique dans la mesure où cette question n’apparaît pas réellement comme un problème financier majeur de nos sociétés, que le vieillissement de la population ne conduira pas à une impasse financière majeure, mais que, par contre, le faire croire permet de créer un marché financier considérable. Nous sommes plutôt face à un problème de solidarité et de justice sociale et ce besoin est naturellement très important en termes d’accompagnement et doit mobiliser toute une série d’acteurs pour une grande part associatifs.
C’est un peu le thème des rencontres, le problème si situe plus dans la façon de poser la question. Si on dit que la finalité de notre activité, c’est la solidarité, la justice sociale et que les moyens de gestion, l’économie, sont au service de cette solidarité, alors on va trouver d’autres solutions que celles que préconise actuellement le marché et qui visent à constituer des marchés du social, des marchés assurantiels. L’exemple de la dépendance est spectaculaire de ce point de vue.
On est à un moment important pour la mutualité de deux points de vue. La régulation du système de protection sociale est dans une impasse et financière et du point de vue de la satisfaction des besoins. On voit bien, avec les déserts médicaux notamment, qu’il y a une profonde désorganisation du système de santé. r il n’y a pas de perspective à la régulation de la protection sociale sans l’implication, la prise de responsabilité des populations. Et nous avons la chance, en France, d’avoir une structuration historique qui est la mutualité, seule capable de porter un projet conçu avec la population, sur des arbitrages en matière de couverture sociale, d’organisation du système de santé et de relations avec les professionnels de santé. La mutualité est là dans un moment historique.
Le deuxième point est qu’elle est face à la mise en place d’une nouvelle régulation européenne qui affecte considérablement son organisation, et dont on ne fait que commencer à voir les effets en termes de fonctionnement démocratique. Est-ce qu’elle va se donner les moyens de continuer à être une grande force démocratique, ancrée dans les territoires, coopérant avec toutes les forces et secteurs d’activités autour du social, ou ne risque-t-elle pas de devenir une forme économique plus traditionnelle coupée de sa capacité d’intervention dans la société ?
Nous sommes donc à un moment où il faut sortir de nos pratiques habituelles et adopter un positionnement plus politique sur la société que nous voulons. La mutualité peut être le porte parole d’une société fraternelle où les gens s’impliquent et sont acteurs de leur devenir.
Si elle reste en l’état, la loi Hamon, sur l’économie sociale et solidaire (ESS), qui sera mise en débat au Sénat en ce mois n’est pas une bonne loi. Certes, il y a quelques points positifs. Les articles renforçant le mouvement coopératif et la reprise d’entreprises par les salariés représentent une avancée. Il ne faut pas mésestimer non plus l’intérêt, l’utilité même, pour les acteurs de l’ESS, de mesures techniques qui étaient « dans les tuyaux » et auraient été plus ou moins reprises par n’importe quel gouvernement.
Mais la question posée à ce gouvernement et à la gauche était d’une autre nature. Avec une loi sur l’ESS, ne pouvait-on espérer les moyens d’avancées significatives dans la démocratisation de l’économie ? Cette loi n’était-elle pas l’occasion inespérée de manifester un choix clair sur la société que nous voulons ? Se donner les moyens de lutter contre une société (où se coulent certains acteurs de l’ESS) marquée tout entière par l’idéologie de marché ? Au lieu de cela, cette loi conduit à insérer un peu mieux, voire un peu plus, l’ESS dans le marché.
Si on s’en tient au sujet mutualiste, la situation est la suivante : aujourd’hui, 623 mutuelles sont actives et agréées pour exercer une activité dite d’assurance, tandis que l’on en dénombrait 6 000 dans les années 1990. Parmi elles, 550 font un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros. Il s’agit de mutuelles territoriales ou professionnelles qui gardent un lien direct avec leurs adhérents. Seules une vingtaine de mutuelles font aujourd’hui un chiffre d’affaires supérieur à 120 millions d’euros. Les articles concernant directement la mutualité, dans la loi, sont rédigés pour celles qui, parmi cette vingtaine, ont l’ambition de devenir de « grands opérateurs de marché » et n’ont d’autre objectif que d’obtenir un droit qui singe celui des assurances.
On s’en tiendra ici à un seul exemple : la modification de l’article L. 114-17 qui suspend le rôle de l’assemblée générale dans la fixation des montants des cotisations et des prestations au profit du conseil d’administration, voire, dans le cadre d’une délégation, du seul président. Cette disposition, totalement passée inaperçue, conforte l’idée d’une technocratisation croissante des mutuelles et supprime, de facto, ce qui constitue la base de la vie mutualiste : décider démocratiquement de la nature et du niveau des prestations, c’est-à-dire décider des solidarités. Pour le reste, chaque article est conçu pour permettre l’entrée des assurances privées dans le champ mutualiste.
À l’inverse, rien n’apparaît sur la démocratie mutualiste, sur d’éventuels droits pour les élus mutualistes qui, pourtant, sont par ailleurs contraints de se donner les moyens d’être « compétents », au risque d’être rejetés par l’autorité de contrôle.
On aurait pu espérer que ce projet de loi s’intéresse un peu plus à la réalité mutualiste, notamment en faisant en sorte que le seuil d’application de Solvabilité II (la norme prudentielle) soit relevé de façon significative afin de permettre la survie et le développement de structures mutualistes à taille humaine, réellement proches de leurs adhérents, c’est-à-dire en prise avec la réalité territoriale et créatrices d’emplois. À l’évidence, ce projet de loi manifeste plus d’intérêt pour le développement des sociétés de droit privé dites à lucrativité limitée, que pour le maintien ou le développement des structures mutualistes de proximité. Depuis trente ans, la même contradiction perdure entre une mutualité centrée sur la gestion et une mutualité démocratique, certes de gestion mais aussi d’action, qui aurait pour vocation de mettre en œuvre des solidarités concrètes. Une mutualité qui pèserait, par ses réalisations, sur l’offre sanitaire et l’organisation de la santé au niveau des territoires. La contradiction perdure finalement entre, d’un côté, une mutualité inscrite dans l’économie de marché de façon plus ou moins sociale et, de l’autre, une mutualité qui n’ignore rien des contraintes du marché, mais qui fait de sa nature de mouvement social démocratique, un moyen d’intervention dans la société. Si les mutualistes veulent retrouver leur voie, il leur faut faire un choix et donner de la voix sur leurs revendications démocratiques propres.
Les acteurs de la protection sociale et de la solidarité ont rendez-vous les 15 et 16 mars prochains, au Cnit, à Paris, pour les premières rencontres professionnelles des innovations solidaires (Ris). « Economie solidaire contre économie de marché : quelles alternatives, propositions et initiatives pour plus de justice sociale ? » : tel est plus précisément l'enjeu de ce colloque animé par Stéphane Paoli et Pascal Beau, journalistes respectivement à France Inter et à Espace social européen.
« La protection sociale est aujourd'hui perçue uniquement du point de vue économique et financier. L'idée de ce colloque est de la resituer dans le débat social et sociétal, d'en proposer une approche à la fois philosophique et politique. Concrètement, nous voulons notamment montrer que face au marché libéral, il existe des alternatives, à commencer par la mutualité », explique Jean Sammut, organisateur des Ris. Cet ancien dirigeant mutualiste est aujourd'hui à la tête de Procial, à la fois cabinet conseil et club de réflexion sur le sujet. Sont invités pour en parler des acteurs de la protection sociale (obligatoire et complémentaire à but non lucratif), des collectivités territoriales, des comités d'entreprises et des acteurs du monde associatif.
Professionnels, intellectuels et responsables politiques interviendront lors de conférences et dans le cadres d'ateliers. La conférence inaugurale, consacrée aux regards croisés sur l'état de la solidarité et de la justice sociale en France, doit être introduite par la ministre de la solidarité et de la cohésion sociale Roselyne Bachelot. Parmi les nombreux intervenants, citons par exemple Vincent Peillon, député européen, Etienne Caniard, président de la Mutualité française, Jean-Paul Panzani, président des Mutuelles de France, Thierry Beaudet, président de la Mgen, ainsi que le sociologue 'Alain Caillé, ou encore Jean-Baptiste de Foucauld, fondateur des Solidarités nouvelles face aux chômage.
Les conférences porteront sur les sujets suivants :
A noter la présence de Viva parmi les partenaires presse de ces rencontres.
Les questionnements (et propositions) actuels autour de « la santé » restent largement en deçà des enjeux qui traversent notre système de santé français. Pour les mettre en lumière, plutôt que de regarder dans le rétroviseur, le Cercle Vivienne a choisi une méthode singulière : des scénarios prospectifs. Chaque scénario décrit une trajectoire, propose un récit, vivant et argumenté, qui met en lumière les tensions (économiques et sociales) et révolutions (technologiques et sociétales) qui percutent (ou percuteront) notre système de santé.Chemin faisant, ses contributeurs ont projeté, collectivement, les conditions d’un système plus humain, raisonnable socialement et économiquement, soucieux de la participation de tous à son inévitable « (r)évolution ».
A l’heure où la démocratie est à la fois un idéal et une méthode de lutte contre les extrêmes, peut-on imaginer que les citoyens soient exclus des débats sur leur santé ? Cet ouvrage est le fruit d’échanges au sein d’un Groupe de Travail créé pour l’occasion par le Cercle Vivienne. Il s’inscrit dans ce qu’il est désormais possible d’appeler « l’esprit Vivienne » : débattre sur le fond, en oubliant les postures de pouvoir, les enjeux « business » ou « politiques », en laissant les égos au vestiaire. Cette posture est inédite dans le paysage des think-tank. L’ouvrage a été réalisé avec le soutien d’Ofi Asset Management, Mondial Assistance France (AWP France), Indefi (conseil en stratégie).
Les lecteurs attentifs auront, nous l’espérons, la conviction que l’organisation de notre système de santé est un sujet complexe et que les proclamations posturales ou électoralistes ne servent pas sa cause. Le pire serait que le système de santé français soit confronté, par déni d’anticipation, à un désastre « industriel » semblable à la sidérurgie et que nous nous réveillions collectivement quand il sera trop tard pour bâtir des solutions sur ses ruines. Aucun des scénarios possibles ne règle les questions de fond (accessibilité, solidarité, mutualisation, efficience de l’offre de soins…) ; les thématiques sont multiples et les nouvelles technologies les rendent « variables » dans l’espace et le temps sociétaux ; tous les points de vue — dès lors qu’ils sont argumentés et visent l’amélioration globale du niveau de santé — sont audibles et discutables au sens premier du terme.
Ce bref exercice (qui n’est, au fond, que très marginalement de la health fiction puisque tout ce que nous décrivons est déjà possible ou à l’oeuvre) démontre, une fois de plus, que des possibilités d’organisation alternatives au système actuel existent et que la question majeure n’est pas de savoir si telle ou telle se généralisera mais de savoir qui la portera, au profit de qui ou quoi, et sous quel contrôle des citoyens ? L’organisation de notre système de santé est une chose trop importante pour la confier à des spécialistes (technos ou médicos) et elle mérite un débat démocratique, sans tabous. Le Cercle Vivienne, parce que, délibérément il réunit des acteurs de tous horizons, est à l’abri des tentations simplificatrices des solutions miracles.
L'ouvrage est disponible sur les plateformes ci-dessous.